Imaginez un monde parfait. Nourriture à volonté, confort maximal, sécurité totale. Aucun prédateur. Une vie douce comme un film Disney pour rongeurs. John B. Calhoun a fait ce test sur des souris dans les années 60/70. Résultat ? Une catastrophe programmée. Les souris se sont multipliées, se sont écrasées les unes contre les autres, sont devenues agressives, puis apathiques, avant de s’éteindre complètement. Le paradis idéal avait engendré la décadence absolue. [ Analogie à la suite d’une réflexion précédente ]
Maintenant, prenez une profonde inspiration… et regardez autour de vous. Félicitations : vous êtes déjà dans votre propre Univers 25 humain, mais avec des écrans tactiles, des Uber Eats et des séries Netflix à volonté.
Le paradis… mais pour qui ?
L’ironie est que nous avons tout ce dont les souris de Calhoun rêvaient : abondance, sécurité, confort. Sauf que l’espèce dominante a oublié l’essentiel : survivre ne suffit pas, il faut vivre pleinement. Alors on s’installe dans des bulles narcissiques, on se complaît dans la paresse émotionnelle et sociale. Les interactions deviennent superficielles, les liens fragiles, et la reproduction… eh bien, elle n’est plus prioritaire. Chez les souris, c’était un désastre biologique ; chez nous, c’est un désastre culturel et affectif.
Nos “beautiful ones” modernes ? Ce sont les influenceurs obsédés par l’image, les narcissiques numériques qui passent plus de temps à polir leur profil Instagram qu’à polir leur âme. La reproduction sociale devient un like, la séduction devient un swipe, et les relations humaines s’éteignent dans l’indifférence.
Les villes sont des cages surpeuplées. Les transports en commun, des tunnels d’agressivité larvée. Les métros aux heures de pointe sont les arènes modernes où chacun lutte pour sa survie, sans gloire, sans sens. Et partout, les écrans nous distraient de cette vérité : nous sommes en train de répliquer exactement l’expérience de Calhoun… mais avec plus de hashtags.
La densité qui tue… et qui fait sourire
Calhoun observait l’agressivité des mâles et le retrait des femelles dès que la population devenait trop dense. Nous, nous avons les villes, les transports, les réseaux sociaux saturés. Le stress et la compétition y explosent. Le sarcasme devient langage officiel, le cynisme, outil de survie. On rit des absurdités d’autrui, mais ce rire masque une vérité inquiétante : nous sommes déjà des souris dans notre cage dorée, et nous adorons ça.
La violence gratuite n’est pas seulement physique, elle est verbale, numérique. Chaque commentaire haineux, chaque tweet provocateur, chaque clash sur les réseaux sociaux est l’équivalent humain d’un mâle qui mord son voisin. Et le pire ? On applaudit, on like, on partage.
Les débats politiques se transforment en arènes où l’intelligence et la nuance sont étouffées sous le poids du spectaculaire et de l’émotion brute. La réflexion est devenue suspecte : on préfère l’insulte immédiate et le commentaire viral. Comme chez les souris, le chaos s’installe sans prévenir.
L’extinction émotionnelle
Chez les souris, certaines se repliaient dans des alcôves, obsédées par leur apparence. Chez nous, c’est pire : selfies, filtres, stories. Tout ce qui compte, c’est l’image. Le sens, le courage, l’intégrité morale… ont disparu dans le flux. Les comportements humains s’atrophient dans la facilité. On ne débat plus, on n’affronte plus. On ghoste, on unfollow, on mute. L’apathie est devenue la norme.
Et comme les souris, cette humanité contemporaine risque l’extinction. Pas par famine ou prédateurs, mais par l’indifférence et l’ennui, deux fléaux plus puissants que n’importe quel virus. Les relations humaines deviennent stériles, la créativité s’effrite, et la culture se réduit à un flux incessant de contenus jetables.
Le cynisme est partout : on se moque des autres, mais on est tout aussi perdus. On rit des absurdités des couples qui se séparent sur Instagram, des amitiés qui disparaissent sur Messenger, des carrières qui s’effondrent sur LinkedIn. Ce n’est pas drôle. Mais on rit quand même. Parce qu’admettre qu’on fait partie du problème serait insupportable.
Le narcissisme comme religion
Les “beautiful ones” ne sont pas qu’un phénomène esthétique. C’est une religion sociale. Leur doctrine ? Moi, d’abord. Ma story, mon like, mon profil. Tout le reste est accessoire. On peut même parler de culte du vide : plus le contenu est superficiel, plus il est célébré.
Les réseaux sociaux ont normalisé le comportement de l’Univers 25 : être obsédé par soi-même, ignorer les autres, se retirer du collectif. Si vous vous plaignez, on vous répondra par un gif, un emoji ou un like sec. Pas d’écoute, pas de discussion. Exactement comme la femelle qui refuse de s’accoupler ou le mâle agressif : chacun pour soi, l’humanité en arrière-plan.
La société qui s’éteint doucement
Nous reproduisons ce que les souris ont fait : isolement, narcissisme, agressivité, stérilité émotionnelle et culturelle. La solitude devient glamour, le silence est valorisé, et l’indifférence est perçue comme maturité. Les villes grouillent de fantômes souriants, les maisons sont pleines de voix mais vides de présence, les smartphones vibrent mais les cœurs s’éteignent.
La natalité diminue, non par impossibilité mais par désintérêt. Les jeunes générations choisissent le confort et la distraction plutôt que les responsabilités, comme ces souris obsédées par leur pelage. Les enfants deviennent des projets facultatifs, les couples deviennent des contrats temporaires, et la famille, un concept décoratif.
Les loisirs remplacent la passion, les écrans remplacent l’engagement, et l’instantané remplace l’effort. La culture est un flux, la politique un théâtre, et la vie réelle… un détail facultatif.
La prophétie cynique
L’expérience de l’Univers 25 nous enseigne une chose : le confort absolu sans challenge détruit l’espèce. Appliqué à l’humanité, c’est effrayant… et drôle si on aime l’ironie noire. Nous avons créé un monde sur-mesure pour nous… et nous reproduisons exactement les erreurs des souris : isolement, narcissisme, agressivité gratuite, stérilité émotionnelle et culturelle.
L’ironie ultime ? Nous avons tous les moyens de vivre mieux, de créer, d’aimer, de penser… et nous choisissons de glisser dans la facilité. Nous applaudissons notre propre déclin comme un public naïf devant une tragédie, sans même comprendre que nous sommes à la fois spectateurs et acteurs.
Punchline finale
L’Univers 25 n’était pas qu’une expérience sur des souris : c’était un miroir. Et nous, humains, regardons dedans avec fascination, parfois amusement… mais sans réaliser que nous nous rapprochons dangereusement de la fin du film. Sauf que chez nous, il n’y aura pas de générique qui sauve la scène finale.
Le confort et la sécurité n’ont pas engendré la paix ou la prospérité émotionnelle. Ils ont créé des fantômes en costume, des belles images sans substance, des êtres obsédés par l’apparence et incapables de défendre ce qui compte vraiment. Nous sommes déjà dans notre cage dorée, et nous aimons ça.