L’hydratation en trek reste un des sujets les plus mystérieux pour les neo-trekkeurs. J’aimerai démystifier quelques éléments de compréhension. C’est un sujet qu’il ne faut pas négliger. Au-delà des crampes, des maux de tête et vertiges, il faut savoir que lorsque la déshydration commence, vos capacités cognitives s’amenuisent rapidement. Les conséquences sur vos capacités de décision et de résolution de problème deviennent de facto moins bonne. Une personne déshydratée réfléchit moins bien, son analyse des risques est diminuée et les sur-incidents arrivent. Sur les efforts soutenus, la dérive cardiovasculaire peut aussi être une des conséquences dangereuse de la déshydratation :
L’origine du phénomène de la dérive cardiaque est due à 3 facteurs qui peuvent se conjuguer : la chaleur extérieure (et le degré d’humidité), la production de chaleur endogène, la déshydratation. Dans chaque cas, il est nécessaire et vital de refroidir l’organisme. Pour ce faire, le flux sanguin cutané (vers la peau) est fortement augmenté (refroidissement liquide, ce qui entraîne un déplacement de fluides à partir du plasma sanguin vers le tissu cutané). Il en résulte en cascade une baisse de la pression artérielle pulmonaire et une diminution du volume d’éjection systolique. Pour maintenir le débit cardiaque (Débit = FC x VES), le rythme cardiaque doit augmenter. (Source : LEPAPE-INFO)
Quantité d’eau ou plutôt litrage d’emport pour un trek ?
C’est compliqué de répondre à cette question dont la récurrence sur les réseaux sociaux est impressionnante. Déjà, il faut se connaitre soi face à l’activité pratiquée. Connaitre le milieu traversé, les ravitaillements possibles, les techniques de potabilisation à disposition, puis connaitre les conditions météorologiques. Moi, en activité « forte » par une température de 30°, je bois deux fois plus qu’habituellement.
Alors lorsque j’entends certains prétendre que tant de litres suffisent, je m’offusque. Il y a bien entendu la limite tolérable de portage. C’est le porteur qui doit se poser la question du litrage d’emport, et personne ne peut répondre à sa place. Il est évident que cette équation doit-être résolue par soi-même et pas les autres en fonction des facteurs évoqués au dessus. L’expérience permet de résoudre la question rapidement. Mais quand on est débutant ? 3 litres minimum par jour pour l’hydratation journalière.
Pour autant, 3 litres par jour ne veut pas dire porter 3 litres.
Les apports recommandés en eau doivent permettre de compenser les pertes hydriques de l’activité. Chez l’adulte, ces pertes sont estimées à 2,5 litres minimum par jour. La FFR préconise 3 litres par 24h.
Potabilisation de l’eau
Vaste sujet qu’il faut aussi éclaircir. Le lieu de l’activité détermine les pollutions potentielles de l’eau naturelle (hors traitement humain). Pour exemple, une source à 2000 mètres, loin de toute agriculture (nitrates, pesticides) permet de penser que l’eau filtrée par le sol est plus potable qu’une eau stagnante de flaque, marre ou étang. Une eau ruisselante en montagne n’est pas pour autant potable car des animaux en amont peuvent très avoir déféquer dans le court d’eau.
Donc sauf à être en présence d’une source connue et identifiée comme potable, il faudra toujours mettre en œuvre des techniques de potabilisation.
La neige blanche immaculée une fois fondue n’est pas une bonne alternative car l’eau est déminéralisée (oui oui). Boire de la neige, une fois fondue, de temps en temps, ne devrait pas avoir d’effets notables sur l’organisme. Néanmoins, il faut éviter la consommation régulière et la privilégier pour la popote et les lyophilisés.
On va dire qu’en randonnée ou plutôt trek vous devriez toujours avoir un système de filtration et des pastilles de purification (désinfection). Alors il y a pléthore de solutions sur le marché (Katadyn, Lifestraw Go, MSR et Sawyer, OKO …), et les influenceurs internet vont vous faire tourner la tête, et prétendre beaucoup de conneries.
Il faut s’intéresser à trois choses :
- La réalité de filtration qui est quasi identique pour les bons filtres (filtration à 0,1 micron) mais souvent la durée d’usage est bien différente,
- le procédé de traitement (manipulation de l’eau et logique sanitaire) et donc la praticité de traitement (les gourdes me laissent perplexe pour des raisons que nous verrons plus bas),
- le débit de filtration reste un argument différenciant.
Le principe de précaution nous amène souvent à la logique « ceinture + brettelles » : Nous pouvons effectivement utiliser une pastilles de désinfection après filtration.
Ebullition de l’eau
Oui cette méthode de potabilisation de l’eau est une technique efficace pour peu que l’eau soit déjà claire ou ait été clarifier par un décantage ou un filtrage en amont. L’ébullition permet de tuer la totalité des germes et micro-organismes présents dans l’eau (bactéries et protozoaire). Pour cela, l’eau doit être bouillie à gros bouillons pendant une minute à basse altitude, et pendant plus de trois minutes au dessus de 2000 mètres d’altitude.
C’est donc une contrainte non négligeable pour un trekkeur, car le procédé de traitement nécessite du temps et sera potentiellement envisageable le soir au bivouac. Deuxième point important, l’emport de combustible réchaud (gaz/essence) devra être anticipé, tout en pénalisant le poids de portage. Voir l’article : Popote, réchaud et tout le toutim
L’organisation
L’organisation est une autre facette importante de l’hydratation en trek : L’adaptation des solutions à l’action (activité) reste une préoccupation essentielle. Sans vous donnez une consigne unique, il faut se poser certaines questions comme : quel(s) volume(s), quelle répartition et quel accès back pack ?
Ces trois questions sont essentielles et chacun doit y répondre en fonctions de ses propres besoins, mais surtout en fonction de la nature de l’activités (Rando, Rando raquettes, Rando-ski, Rando-course Rando-Alpine…). Je vous encourage donc à réfléchir, essayer, tester, et corriger votre organisation en fonction de vos activités.
Mon système
Parmi les marques citées ci-dessus, j’ai choisi le filtre Sawyer Micro Squeeze (SP129) dont la durabilité et le petit volume et poids du système me convient. Mais j’ai surtout acquis celui-ci en raison du Kit d’adaptation (SP115) qu’il offre pour ma poche à eau Source Widepac 2 litres (adaptable à d’autres modèles).
Qui plus est, ce montage permet de me ravitailler en eau sans devoir salir ma poche à eau ou la gourde qui ne devrait jamais être immergées dans l’eau sale. Il me permet aussi de recharger ma poche sans devoir extraire le dispositif du sac à doc. Cette solution est de mon point de vue la plus adaptée à mes activités.
Il existe des solutions commercialisées sur un procédé inverse : Remplir la poche à eau dans l’eau souillée, puis la filtrer par aspiration. Oubliez de suite ces solutions totalement aberrantes. Premièrement votre système est donc souillé (potentiellement polluer), et l’effort à l’aspiration rend la poche à eau inutilisable durant l’effort.
Point de vue sur les gourdes filtrantes
Les gourdes en marche d’approche, crête, terrain d’aventure, grandes voies (escalade/alpi), rando-ski ou raquettes, en trail ou ski (…) ne sont pas pratique car il faut se sécuriser dans l’action pour s’hydrater (boire). La pipette de la poche à eau est nettement plus pratique, et permet un équilibre de portage centré.
De plus, mettre sa gourde dans une eau souillée puis la manipuler pour boire ensuite est d’un point de vue sanitaire pas très pertinents, les mains et le récipient sont polluées et donc il est possible de se contaminer en buvant. Donc pour moi les phases de traitement et celle d’hydratation doivent être séparées/isolées, avec une phase de décontamination intermédiaire. Certes l’exposition à l’appareil digestif est limité ou disons réduit, mais on comprend mieux pourquoi, on note qu’il existe des utilisateurs ayant tout de même eu des turistas en utilisant ces gourdes. Par contre, utiliser une gourde filtrante pour alimenter une autre gourde à nettement plus de sens.
En conclusion, si l’on considère que le traitement et l’hydratation doivent être séparé, il faudra donc mettre en œuvre une phase de transvasement sans contact avec le récipient d’hydratation. Ce qui veut dire :
- J’ai les mains propres, je sors mon récipient d’hydratation, je l’ouvre et le stabilise sur une surface adéquate.
- Je remplie ma gourde filtrante en plongeant de récipient dans l’eau souillée avec une seule main.
- Avec la main propre je vise le filtre et décapsule le capuchon.
- Avec les deux mains j’applique une pression de filtration sans toucher le récipient d’hydratation.
- Une fois terminé, j’isole la gourde filtrante (petit sac poubelle pour décontamination ultérieure ou réutilisation).
- Je me décontamine les mains (gel d’alcool, savon sec, lingette).
- Je peux manipuler mon récipient d’hydratation sereinement.
Conclusion
Je vous ai transmis quelques clés de réflexion pour optimiser et adapter vos solutions à vos réels besoins. Je vous encourage à développer vos réflexions autour de ce sujet et ne pas reproduire bêtement les consignes des autres. Bon trek !