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Humanité fantôme sans valeurs, sans courage et sans intégrité

Il y a dans notre société un malaise profond, une sorte de fracture morale qui se creuse un peu plus chaque jour. On croise des gens qui se targuent d’être atypiques, d’être différents, d’avoir une sensibilité rare, mais qui ne sont en réalité que de simples typiques, formatés, banals jusqu’à la moelle. Ils se fabriquent une identité artificielle, en s’affublant d’étiquettes censées les distinguer, mais qui ne sont que des cache-misère. La vérité est qu’ils n’ont ni substance, ni courage, ni recul sur eux-mêmes. Ils s’inventent une différence pour masquer leur absence d’originalité.

À côté de ceux-là, il y a ceux qui ne possèdent même pas la matière grise nécessaire pour comprendre qu’ils sont cruels, mesquins ou tout simplement médiocres. Ils se croient bons, ouverts, parfois même vertueux, alors qu’ils blessent sans conscience, comme on écrase une fourmi sans y penser. Leur absence de lucidité les rend encore plus dangereux : ils sont incapables d’auto-évaluation, et donc incapables d’évolution. Le mal qu’ils font est toujours “involontaire”, toujours justifié par leur inertie mentale.

Et puis il y a l’absence d’intégrité, cette plaie béante de notre temps. La morale n’existe plus. La parole donnée n’est qu’un souffle qu’on reprend quand ça nous arrange. Les engagements, qu’ils soient amicaux, amoureux ou professionnels, n’ont plus aucune valeur. J’ai moi-même connu ces amitiés qui semblaient solides, mais qui se sont effondrées du jour au lendemain, sans explication, sans confrontation. J’ai aimé des personnes qui se sont volatilisées, préférant disparaître comme des fantômes plutôt que d’assumer une discussion honnête. Ces disparitions, sans un mot, sans justification, ne sont pas des accidents isolés : elles sont devenues la norme. Le ghosting est partout, dans les relations amoureuses, dans les amitiés, jusque dans le travail. C’est le signe d’une société où l’on n’affronte plus rien, où la lâcheté s’est substituée au dialogue.

Ceux qui disparaissent ne se rendent pas compte du gouffre qu’ils creusent, car ils sont vides. Vides de respect, vides de courage, vides d’intelligence émotionnelle. Ils ne construisent rien, ils effacent. Ils réduisent l’autre à un objet de consommation, interchangeable et périssable. Quand l’objet ne plaît plus, on le jette. Comme un vieux vêtement, comme un appareil usé. La société de consommation a façonné des êtres humains jetables, et chacun finit par traiter les autres comme de simples produits périssables.

Dans ce contexte, la pensée elle-même s’effondre. Il suffit de regarder autour de soi : les discussions ne sont plus que des échanges creux, ponctués d’abréviations, d’emojis, de phrases toutes faites. La réflexion critique a disparu. Ceux qui osent argumenter sont considérés comme compliqués, voire agressifs. Le débat a laissé place à l’insulte ou au silence. Le langage s’appauvrit, et avec lui l’esprit. Le vide intellectuel règne, et avec lui le vide moral.

Comment s’étonner, alors, que nos relations soient si fragiles ? Dans un monde où l’on ne sait plus penser, où l’on ne sait plus parler, où l’on ne sait plus assumer, il ne reste que des spectres. Des gens qui se croisent sans se rencontrer, qui s’aiment sans se connaître, qui se quittent sans se dire adieu. Des fantômes incapables d’exister pleinement, préférant errer dans l’illusion de leur différence, de leur singularité, alors qu’ils ne sont que la reproduction stérile d’un même schéma décomposé.

Et pourtant, ce n’est pas seulement une question individuelle. C’est un état collectif, un symptôme d’une société entière en décadence. Les fantômes prolifèrent parce que tout les encourage à disparaître : la rapidité des réseaux sociaux, la facilité de couper les liens d’un clic, l’absence totale de responsabilité encouragée par le numérique. Pourquoi assumer quand on peut disparaître ? Pourquoi confronter quand on peut ignorer ? Pourquoi bâtir quand tout est prévu pour être détruit et remplacé ?

J’ai cru en des liens solides. J’ai cru que l’amitié avait un sens, que l’amour pouvait durer, que les promesses avaient un poids. Mais chaque déception, chaque silence, chaque lâcheté répétée me confirme que ce monde ne veut plus de ces valeurs-là. Les êtres humains se dissolvent, se liquéfient, s’évanouissent dès que la difficulté se présente. Ils n’assument rien, ni eux-mêmes, ni les autres, ni le monde qu’ils contribuent pourtant à détruire.

Il est trop tard pour espérer un sursaut. Trop tard pour penser à une reconstruction. Le mal est fait, et nous en sommes complices. Chacun, à sa manière, contribue à ce grand effacement, à cette lente transformation des vivants en spectres. La société ne produit plus des hommes et des femmes, mais des ombres. Ombres sans fierté, sans fiabilité, sans respect, sans amour véritable.

Nous ne sommes plus entourés de personnes, mais de fantômes. Et ces fantômes, loin de hanter un monde disparu, construisent celui dans lequel nous vivons. Un monde vidé de sens, vidé de valeurs, vidé de tout ce qui fait l’humanité. Le crépuscule est là, et nous l’acceptons.

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